Un visage
Cette nuit, j’ai rêvé d’un chat qui avait des yeux de fille.
Je disais à X (je ne sais plus) : regarde, il est beau, il a pas des yeux de chat, il a des yeux de fille.
Ce n’était pas vraiment « notre » chat, ou le chat de quelqu’un. Il avait élu un domicile flou sur une poutre ou une étagère de quelque part dans la maison, mais n’y était pas enfermé, il pouvait sortir, et entrer.
Nous l’avions laissé quelques jours, pour aller ailleurs, mais la maison n’était qu’un toit disponible pour lui, des murs le tenant à l’abri du vent, il n’avait pas passé toutes ces journées reclus, ou tout au moins nous ne l’y avions pas forcé, et nous revenions, et je remarquais ses yeux de fille.
Après les avoir remarqués, et quoique sans lien direct, je songeai que pendant ces quelques jours, il lui avait fallu manger, une nourriture que nous ne lui avions pas fournie.
Je songeais donc qu’au fil des jours, il avait dû tomber au hasard sur des proies, trouvées dans les pièces, les couloirs sombres peut-être à la cave, c’est la campagne, ou l’herbe dehors, des animaux mangeables, et les manger comme font les chats, sans passion, sans effort, sans considération pour l’idée que c’est une vie, on attrape et l’on picore. Et pouf, l’autre s’est fait manger. Qui parmi nous peut dire avoir déjà été mangé ?
Avec les mêmes beaux yeux, et revenant à la même douceur alanguie où nous le retrouvions sur une étagère en hauteur, nous accueillant sans doute d’un plissement de paupières.